La République à l’épreuve des inégalités
La République à l’épreuve des inégalités La République est promesse de liberté, d’égalité, de fraternité. Or les inégalités minent le « pacte républicain » si elles progressent, si elles se concentrent en des territoires et des catégories de population. Les études de l’Institut Montparnasse ont déjà illustré des inégalités croissantes ou nouvelles en matière d’accès aux soins, de dépenses de santé, de financement de la protection sociale, de mises en oeuvre des politiques publiques. Nous avons demandé à Hervé Le Bras d’établir une typologie et une cartographie des inégalités qui sont à l’oeuvre dans notre communauté nationale et sociale.
Cette étude est édifiante. Elle présente une visualisation territoriale de l’inégalité qui saisit le citoyen et interpelle les responsables publics. Elle dit l’histoire et la géographie des inégalités. Elle montre les tendances récentes et l’accélération de la territorialisation des désavantages éducatifs, économiques et sociaux. Elle émet aussi une traduction électorale de ces déchirures du tissu républicain. Comment rester indifférent et inerte devant ces constats déroulés en autant de chapitres : « métropolisation de la population … ségrégation des âges … ségrégation des classes sociales … le ciel des riches … les pauvres et les autres … familles monoparentales … géographie du chômage … les sans diplômes … ».
S’il est pointé que « en trente ans le niveau éducatif a prodigieusement augmenté », il est aussi constaté que « le formidable progrès du niveau d’éducation en France n’a pas été validé par une ascension sociale à sa mesure. La déception est à la hauteur des espoirs car l’idéologie de la République dans notre pays repose sur la méritocratie ».
Emergent de la cartographie des différentes inégalités « trois pôles conjuguant inégalités élevées de revenu, fort chômage, forte proportion de sans diplômes et prévalence des familles monoparentales … sans surprise ce sont ces dernières régions où le Front National réalise ses meilleurs scores, il est logique de penser qu’en ces lieux, la crainte du déclassement a supplanté les aspirations positives ». Au final, « la société française est coupée en deux dans son rapport au territoire …les décrochages et les difficultés rencontrées dans plusieurs domaines au sein de quelques régions se sont fédérés, conjugués, cristallisés, accroissant les différences et finalement les inégalités ». L’Institut Montparnasse promeut l’ambition d’une République solidaire, d’une société de réciprocité. Les élans solidaires et collectifs de la mi-XXème siècle ont nourri cette « République démocratique et sociale ». L’identité collective a cédé beaucoup de terrain à l’individuation. Aspiration à l’autonomie, à la responsabilité, cette affirmation-reconnaissance de la personne-a mal résisté au basculement vers l’individualisme, vers l’égocentrisme social. Et s’est éloignée du voeu d’Albert Camus : « un individualisme altruiste ».
Les inégalités sapent la nécessaire confiance dans la solidarité. La solidarité institutionnelle n’est pas solidarité réelle en trop de situations, en trop de lieux. Les représentations cartographiées élaborées par Hervé Le Bras justifient son interrogation : « Dans quelle mesure, l’égalité formelle prônée par la République s’est-elle dévoyée en inégalité réelle ?» C’est une interrogation que nous reprenons en forme d’urgence à agir, de désagrégation à défier, de nécessaire sursaut républicain.
Jean-Michel LAXALT
Président de l’Institut Montparnasse