L’Institut Montparnasse a commencé l’édition des recherches commandées à plusieurs équipes universitaires. Les thématiques de recherche reprennent notre problématique générale, pour un XXIè siècle solidaire, un financement durable de la protection sociale.
Dans un contexte d’incertitude croissante, de crise nourrie par une financiarisation excessive et par la dictature du rendement de court terme , il est nécessaire de soumettre à l’examen l’ensemble des fondamentaux de l’analyse économique et de la dynamique des dépenses sociales.
Notre propos est de contribuer au débat nécessaire en faisant preuve de pédagogie.
L’étude de l’équipe du CREG – Université de Grenoble, porte sur la contribution des dépenses de Santé à la croissance économique.
La recherche met en évidence le rôle moteur du secteur de la santé dans l’activité économique, qui serait supérieure au secteur du bâtiment en termes de points de PIB.
En 2005, le secteur de la santé au sens large représente 9,3% de la valeur ajoutée totale, 7,6% de la production totale et près de 10 % de l’emploi total en France.
A titre de comparaison, le secteur Hôtels, cafés, restaurants, représente 2,3 % de la valeur ajoutée totale du pays, 2,4 % de la production totale, et 3,7 % de l’emploi.
Le secteur BTP, représente 5,8% de la valeur ajoutée totale du pays, 6,6 % de la production, 6,4 % de l’emploi. »
Ainsi donc la santé n’est pas qu’un coût, c’est aussi un investissement dans un secteur créateur d’emplois et de revenus. Mais l’ L’étude du Creg renvoie à une question principale : la disponibilité de données fiables et homogènes sur une longue période.
L’étude de la Chaire transitions démographiques-transitions économiques de l’Université Dauphine, « comment financer de manière durable la protection sociale ?»
C’est une recherche ambitieuse dont l’objet est de présenter un modèle économique en économie ouverte, de pouvoir tester des hypothèses et faire des scénarios sous-tendant des choix politiques. Les chercheurs renouent ici avec une tradition de la science économique associant modélisation et prospective.
A structure constante notre système de protection sociale demande des financements complémentaires : près de 4,5 points de PIB à horizon 2050. Au moment où les opérateurs économiques ne se situent plus au-delà de 3 ans et que 5 ans est devenu du long terme, cette recherche prend tout son intérêt dans la formulation d’hypothèses qui dépassent le cadre habituel des projections à court terme. Elle permet de mesurer les incidences macroéconomiques et microéconomiques de toute nouvelle mesure et d’en tester les hypothèses. (élargissement de l’assiette des prélèvements, taxation des importations, augmentation de points de CSG…).
L’étude de la Chaire santé de l’Université Dauphine sur le thème : « Vieillissement de la population et croissance des dépenses de santé » contredit les idées reçues.
C’est le progrès technologique et l’évolution des pratiques médicales, beaucoup plus que le vieillissement de la population, qui accélèrent la croissance des dépenses de santé.
Les chiffres de la période 1002- 2000 sont confortés par les résultats de la période 2000- 2008 : les dépenses de santé augmentent vivement pour toutes les classes d’âge. Cependant, des infléchissements se produisent, d’une période à l’autre du fait de l’alourdissement de la morbidité et de l’effet générationnel du boom démographique de la fin des années quarante. Dans le constat d’un freinage général des dépenses de santé l’évolution des pratiques, le poids du médicament et le recours à l’hospitalisation nourrissent une dynamique de croissance. Cela renforce le nécessaire effort d’organisation du système de soins, le développement de politiques de prévention, l’évaluation de l’efficience d’ensemble.
L’étude de François Ewald (CNAM-Ecole nationale de l’Assurance) « Assurance, prévention, prédiction » analyse avec une dimension prospective l’évolution sociétale générée par les capacités nouvelles de traitement des bases de données.
Nos sociétés ont développé les couvertures assurancielles publiques et privées. L’ignorance sur l’exposition individuelle au risque invite à partager le sort. Le perfectionnement des techniques de prédiction, de probabilité actuarielle connaît une révolution avec le traitement numérique des bases de données. Cette capacité nouvelle permet des progrès de la connaissance et de la thérapeutique (décryptage du génome humain). Mais à la faculté de traitement de masse elle ajoute le traitement de manière singulière et différentielle. Jusqu’où pousser la singularité, l’individualisation ? « Il faut inscrire la révolution des data dans l’architecture sociale et morale de nos sociétés ». Quel nouveau rapport entre le savoir et le pouvoir ? Dans la conduite des politiques publiques ? Dans les stratégies privées qui prennent un rôle croissant dans le financement et la maîtrise des nouvelles technologies ? Dans l’assurance santé ?
Les 60 années d’histoire liée de la sécurité sociale et de la mutualité ont créé un socle mais ne suffisent pas à garantir leur avenir. Les organisations économiques, les flux de croissance et la démographie, se font et se défont, changent de forme et de dynamique. Dans un monde où le court terme domine le raisonnement économique et social, pour l’Institut Montparnasse il est nécessaire de contribuer à la réflexion sur les conditions de la pérennité des régimes solidaires.