Le Conseil Constitutionnel a révoqué l’article 1er de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le gouvernement, comme d’ailleurs d’autres avant lui, a usé de la Sécurité sociale pour sa politique d’emploi et de pouvoir d’achat.
D’expédients en expédients on a perdu le fil d’Ariane, celui qui distingue l’action gouvernementale sur le champ économique et social, de la garantie d’Etat sur les fondements de la Sécurité Sociale.
Favoriser l’emploi, le pouvoir d’achat, est légitime, nécessaire, impérieux. Les gouvernements ont le choix entre mesures générales et mesures ciblées. Les politiques différenciées sont davantage pertinentes qu’inégalitaires. Elles peuvent l’être aussi s’agissant de politiques sociales visant à compenser ou réduire des inégalités, des handicaps, des difficultés. Mais, pour l’Etat garant de la Sécurité sociale, le principe d’égalité combiné à celui de proportionnalité l’emporte. Egaux devant l’imposition, les citoyens peuvent ne pas l’être devant le paiement de l’impôt. Egaux devant l’accès aux droits, les assurés sociaux doivent l’être devant la contribution à la Sécurité sociale. Politique gouvernementale et politique de Sécurité sociale n’ont pas une identique légitimité : l’une nourrit la citoyenneté, l’autre fonde la solidarité nationale.
Le Conseil Constitutionnel a raison de refuser la confusion des politiques. L’amélioration du pouvoir d’achat relève des dispositifs salariaux, fiscaux ou tarifaires, pas de l’exonération de cotisations sociales. L’inspiration des fondateurs de la Sécurité sociale est la dignité des personnes par le travail et sa juste rémunération, générant par conséquent la capacité contributive à l’impôt et à la cotisation sociale. Mieux vaut plus de salaire que moins de citoyenneté économique et sociale.
Le Conseil Constitutionnel assoit cependant sa décision sur une conception très assurantielle des prestations de sécurité sociale. « Un même régime continuerait à financer les mêmes prestations malgré l’absence de versement par près d’un tiers des assurés de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations ». Il estompe le fondement solidaire pour privilégier la réalité contributive. Ce qui est réel pour la retraite l’est moins pour la maladie, les prestations étant proportionnelles pour l’une et égales pour la seconde. Son raisonnement est affaibli par la validation réitérée des exonérations de cotisations employeurs.
Cependant ce coup d’arrêt incite -oblige ?- à une restructuration de la fiscalité d’une part, du financement de la Sécurité Sociale d’autre part.
Jean-Michel LAXALT
Président de l’Institut Montparnasse