Etude de la Chaire Santé – Brigitte Dormont : Dépenses de santé et Vieillissement

Paradoxe ? Myopie comptable ? Syndrome régressif ? Les dépenses de santé sont trop souvent objet d’accablement, voire de dénonciation ; elles ont pourtant, avec l’amélioration de l’hygiène et des conditions de vie, accompagné le progrès de la population. Ces dépenses ne seraient que des coûts alors qu’elles sont un important investissement, humain certes, mais […]

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Paradoxe ? Myopie comptable ? Syndrome régressif ? Les dépenses de santé sont trop souvent objet d’accablement, voire de dénonciation ; elles ont pourtant, avec l’amélioration de l’hygiène et des conditions de vie, accompagné le progrès de la population. Ces dépenses ne seraient que des coûts alors qu’elles sont un important investissement, humain certes, mais économique également. Une récente étude réalisée pour l’Institut Montparnasse(1) a situé à plus de 12 % l’impact au sein du PIB du secteur de la santé, tant en terme de plus value, que d’emplois. Ces dépenses, dit-on, ne seraient qu’à comprimer, alors qu’elles sont surtout à optimiser, rationaliser, évaluer, ajuster, dans le souci constant de l’égal accès aux soins de qualité et de l’universalité du bénéfice des progrès thérapeutiques.
De la part de certains contempteurs très libéraux les dépenses de santé sont stigmatisées en tant que dépenses socialisées ; c’est justement ce caractère collectif et solidaire qui exige qu’elles procèdent d’un débat public, d’une légitimité républicaine et d’un absolu scrupule d’efficience.

Nous vivons plus vieux. Nous nous soignons davantage, souvent mieux, toujours plus cher. Quel lien faire entre vieillissement de la population et croissance des dépenses de santé ? L’évidence d’une causalité majeure s’est trop vite imposée dans les esprits. L’Institut Montparnasse s’est naturellement tourné vers la Chaire santé que dirige Brigitte Dormont à l’université Dauphine. De précédentes publications avaient ouvert la voie d’une rigueur d’analyse proposant des conclusions à contre courant de cette opinion établie. Le travail ici reproduit prolonge les premières études, les actualise, les infléchit pour partie. Parce que les déterminants des dépenses de santé sont nombreux, parce que l’économie de la santé est complexe, parce que la dynamique solidaire pâtit d’abruptes stigmatisations, parce que le débat citoyen nécessite des éclairages rigoureux, l’étude que nous publions est opportune, utile et, plus encore, nécessaire.

Si l’analyse de la période la plus récente (2000-2008) accentue la part du vieillissement dans la croissance des dépenses de santé, elle en confirme cependant le caractère second. Elle nous ramène à l’évidence première, ce n’est pas l’âge qui fait le coût, mais la pathologie, sa gravité, sa chronicité ainsi que l’évolution des traitements et prises en charge. Le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie a clairement dit que s’agissant du vieillissement « il faut évacuer de nos représentations l’image d’une déferlante du grand âge qui serait sur le point de submerger, sans qu’on n’y puisse rien, le système de couverture solidaire ». De fait, compte tenu des effectifs concernés dans la population, les dépenses du jeune âge (moins de 10 ans) sont équivalentes à celles du grand âge (85 ans et plus) et celles des moins de 60 ans supérieures à celles des plus de 60 ans. Il est tout aussi vrai, que la dépense moyenne d’assurance maladie triple de 50 à 80 ans. Comme le précise le HCAAM : « l’âge n’a aucune vertu explicative par lui-même ; en revanche il s’accompagne d’une augmentation moyenne du nombre, de la fréquence et de la gravité des maladies »(2).

Cependant, la Sécurité sociale est le creuset solidaire de la Nation et non pas la confrontation de comptabilités générationnelles antagonistes. Autant que la discrimination des origines qui divise les français, la stigmatisation de tels ou tels bénéficiaires de prestations sociales fracture la solidarité. Les seules questions qui vaillent sont la justesse de la prestation et la justice de la contribution.

Dans la croissance des dépenses de santé le vieillissement a impact d’environ 20% sur la période récente. Les changements de pratiques soignantes ont un impact double. Innovations médicales, thérapeutiques coûteuses, généralisation de prises en charge diagnostiques ou opératoires peu répandues dans un passé récent, accroissent les dépenses de santé. Leur efficience doit donc être appréciée.
Les déficiences en termes d’organisation des soins, de leur répartition dans le territoire, de coordination des acteurs, d’articulation des prises en charge, sont très coûteuses, tant en terme de qualité pour les patients que d’efficacité des dépenses de santé. De même que les insuffisances en matière d’éducation à la santé et de médicine de prévention. Plutôt que de peser les dépenses de santé de telle catégorie d’âge ou de condition sociale c’est l’organisation du système de soins et des acteurs de santé qu’il faut soumettre à l’exigence de qualité et de rationalité des dépenses.

Jean-Michel LAXALT
Président de l’Institut Montparnasse

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